The Batman

Something in the Wayne

Kezako ?

Deux années à arpenter les rues en tant que Batman et à insuffler la peur chez les criminels ont mené Bruce Wayne au coeur des ténèbres de Gotham City. Avec seulement quelques alliés de confiance parmi le réseau corrompu de fonctionnaires et de personnalités de la ville, le justicier solitaire s’est imposé comme la seule incarnation de la vengeance parmi ses concitoyens. Lorsqu’un tueur s’en prend à l’élite de Gotham par une série de machinations sadiques, des indices cryptiques l’envoie enquêter au sein de la pègre.

La critique d’Eugénie – 7,5/10

Bien que l’inexorable déclin des films de super-héros soit prédit (et attendu) par une branche élitiste du cinéma depuis plusieurs années, les chiffres du box-office continuent à leur donner tort.
Et pourtant, n’en déplaise au MCU, pour lequel j’ai toujours une grande affection, la paresse de ses intentions artistiques commence effectivement à me lasser. Car si du côté des « histoires » la firme a toujours des choses à nous raconter, il y a, du point de vue créatif, un vrai manque de souffle rendant la fameuse critique de la « recette Marvel » beaucoup plus palpable. Alors, quand chez la concurrence est annoncé un Batman réalisé par l’homme derrière Cloverfield et les deux derniers Planète des Singes, forcément, c’est intriguant.

Verdict ? Bordel, que ça fait du bien de voir un film de super-héros qui a envie de faire du Cinéma !

Matt Reeves livre certainement le plus « beau » film sur le chevalier noir, porté par une photographie incroyable signée Greig Fraser (déjà à la barre de Dune et Rogue One). La ville de Gotham prend vie devant la caméra, dotée d’un aspect organique (et trempé) rarement transposé sur grand-écran, et ce, malgré le peu de lieux qu’on y voit (#budget).
Mais ce qui impressionne d’entrée de jeu, c’est la capacité qu’à le réalisateur à iconiser son héros ! Ainsi, le fameux plan reversé de la bande-annonce, mais aussi toutes les fois où Batman sort de l’ombre, sont autant de scènes esthétiquement jouissives et dores et déjà cultes. Une obscurité qui fait plus que jamais partie de la panoplie du super-héros tant il l’incarne, il l’habite même en négatif dans les peurs des criminels.

Un travail de l’ombre qui vient paradoxalement mettre en lumière l’ambiguïté du personnage, représenté davantage comme un justicier que comme un héros, car ses actes sont, non seulement illégaux, mais souvent immoraux. Plus que jamais, le protagoniste et l’antagoniste sont les deux facettes d’une même pièce, mue par des motivations similaires et séparés par une seule ligne : l’un tue, l’autre pas. Un parallèle d’autant mieux amené que le Sphinx (oui, je dis Sphinx et pas Riddler parce que la traduction est vachement classe pour le coup) est l’héritage de Batman : en incarnant la vengeance, il a inspiré ceux animés du même désir, mais dépourvus de son éthique… Car la vengeance n’est pas la justice.

Le choix d’un Batman plus jeune fait alors tout son sens, car cette ambivalence est aussi justifiée par l’inexpérience de son personnage. Bruce Wayne est ainsi très peu présent, car il n’a pas encore compris l’usage qu’il peut faire de son image publique. Il n’a pas assez de recul sur ce qu’il représente et incarne sa mission vengeresse avec toute l’hyperémotivité, la rage et la douleur, qu’implique un deuil en suspens. C’est pourquoi son Batman fait des erreurs… mais laisse aussi une belle marge de progression.

Robert Pattinson se révèle dès lors un choix intéressant, avec un bon jeu de regards, même si son personnage manque de nuances… À moins que cela ne vienne de la direction d’acteur… Ce qui expliquerait que le reste du casting souffre du même paradoxe. Car, autant certains choix semblent évidents, Zoë Kravitz étant l’incarnation de la félinité et Paul Dano parfait en sociopathe, autant leurs interprétations manquent d’ampleur, restreintes à quelques couleurs émotionnelles de leurs palettes. On regrette aussi de ne pas en voir davantage du (méconnaissable) Colin Farell en Pingouin et on reste sur notre fin avec la version Alfred-Serkis. Seul Jeffrey Wright incarnant Jim Gordon s’en sort véritablement avec les honneurs.

Malgré ses qualités esthétiques et musicales – le thème est en passe de devenir aussi culte que celui composé par Hans Zimmer pour la trilogie Nolan – The Batman n’est pas exempt de défauts, à commencer par sa longueur et son rythme en dents de scie. Si le choix de laisser davantage de place au rôle d’enquêteur du héros est intelligent, l’exécution est parfois un brin maladroite (petite pensée au passage pour les traducteurs de la VF qui ont dû galérer avec les jeux de mots). Quant aux scènes d’actions, leur mise en scène est inégale, étrangement fade lors de la course-poursuite et un brouillonne lors du final. Mais les bonnes intentions du long-métrage soulignent le potentiel d’une suite qu’on attendra désormais avec impatience.

En dépit de quelques erreurs, la portée de The Batman va au-delà de sa propre individualité. Le film vient bousculer son genre et nous rappeler à nous, spectateurs, que nous avons le droit d’exiger des productions super-héroïques qu’elles fassent plus du divertissement, mais du CINÉMA ! À bon entendeur Marvel !


Réalisé par Matt Reeves
Avec Robert Pattinson, Zoë Kravitz, Jeffrey Wright, Paul Dano, Colin Farrell, Andy Serkis etc.
USA – Super-héros, Action, Thriller
Sortie : le 2 mars 2022
Durée : 2h 57min 


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