Mascarade

Ces gens-là…

Kezako ?

Adrien était promis à une carrière de danseur, jusqu’à un terrible accident de moto. Aujourd’hui, il est « entretenu » par Martha, ancienne vedette du cinéma vivant sur la Côte d’Azur. Tout va changer lorsqu’Adrien fait la rencontre de Margot, une sublime arnaqueuse. Ils vont alors s’associer pour monter une arnaque diabolique grâce à une mascarade sentimentale.

La critique d’Eugénie – 6/10

On a tous un avis sur Nicolas Bedos. Personnalité parmi les plus clivantes du paysage médiatique français, il n’en demeure pas moins un réalisateur de talent, qui a su émouvoir avec Monsieur et Madame Adelman et enchanter avec La Belle Époque. Certes, son OSS 117 reste le moins intéressant des trois opus, mais moins en raison de sa qualité d’exécution que d’une écriture moins maîtrisée. 
D’un point de vue purement cinévore, j’attendais donc ce nouveau film avec impatience, tout en m’interrogeant sur le bien-fondé des critiques acerbes qu’il reçoit depuis son passage hors compétition à Cannes.

Avec son histoire de deux arnaqueurs tombant amoureux, le film fait immédiatement écho à Hors de prix de Pierre Salvadori, mais s’en détache vite par l’intention, ses personnages étant bien moins sympathiques que ceux incarnées en 2006 par Gad Elmaleh et Audrey Tautou. Et si on peut critiquer un certain manque d’originalité tirant vers la caricature, leur perversion n’en reste pas moins amusante car jamais totalement gratuite (contrairement à Sans Filtre). Le film dresse ainsi une succession de portraits de gens envieux, insatisfaits, rancuniers, hypocrites, parfois hautement cruels, et tous profondément malheureux.

Il faut dès lors mettre les pieds dans le plat pour évacuer la controverse accusant le film, et son réalisateur, de misogynie, car elle me semble ici exagérée.
Certes, les femmes de Mascarade sont manipulatrices, revanchardes, prêtes à tout et définies par les statuts de victimes/garces, mais davantage pour rendre un hommage assumé aux archétypes des films noirs que pour en dresser des portraits « réalistes ».
Par ailleurs, la figure masculine n’est en rien épargnée et dépeinte comme faible, lâche, aisément influençable, rongée par l’ambition et bouffie d’orgueil.
Un film donc bien plus misanthrope que misogyne, et encore, ne ciblant qu’un cercle mondain précis, énoncé en note d’intention dès les premières répliques : « Quand on y réfléchit, c’est une région (la Côte d’Azur) assez triste : les très riches crèvent d’ennui, les riches font semblant d’être très riches, quant à tous les autres, ils crèvent de jalousie ! »

Un débat qui me semble donc inutile, surtout comparé aux défauts, bien réels, du long-métrage qui pêche par excès dans tous ses autres aspects.

En essayant de ne pas se dévoiler trop vite, l’intrigue se complexifie inutilement. On met bien vingt minutes à identifier tous les protagonistes et à comprendre leurs relations, pour mieux réaliser que plusieurs ne servent à rien, si ce n’est apporter des artifices à une trame déjà bien fournie. Mascarade aurait clairement gagné en efficacité en concentrant davantage son récit, évitant de gros problèmes de rythme tout en laissant moins de temps aux spectateurs pour anticiper les retournements de situation. Malheureusement, les réticences de Nicolas Bedos à couper des scènes au montage l’amènent à accoucher d’une œuvre trop longue pour son propre bien, et celui des spectateurs.

Un excès de générosité (ou d’ego) qui se ressent aussi dans la direction d’acteurs, souvent en surjeu, avec des performances inégales au sein même de leurs partitions. Si on appréciera l’auto-dérision d’Isabelle Adjani, sa caricature d’elle-même est souvent grotesque et ne se rattrape que par quelques moments de sincérité désarmants. On reste aussi un peu déconcerté par les accès de colère de François Cluzet et les faux-semblants de Pierre Niney, qui se font systématiquement voler la vedette à chacune des apparitions de Marine Vacth, aussi convaincante en prédatrice que touchante en anglaise timide.

Malgré ces bémols, il n’en demeure pas moins que Nicolas Bedos fait partie des réalisateurs ayant envie de mobiliser les talents du cinéma français, en commençant par challenger ses acteurs (voir la très belle danse de Pierre Niney) tout en dévoilant une réelle maîtrise technique et un vrai goût pour la mise en scène. Si son cynisme ne peut pas plaire à tous, quelques vannes réussissent à faire mouche et le ton du récit reste amusant.

En définitif, Mascarade est loin d’être aussi mauvais que certains le disent, même s’il reste le film le moins abouti de son réalisateur. Espérons qu’à l’avenir, Nicolas Bedos se rappellera que le mieux est l’ennemi du bien, afin de garder le sens de la mesure, voir, de partir en quête de celui de l’épure.


Réalisé par Nicolas Bedos
Avec Pierre Niney, Marine Vacth, Isabelle Adjani, François Cluzet etc.
France – Comédie-dramatique
Sortie en salle : 2 novembre 2022
Durée : 2h 14min 


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