Notre-Dame brûle

Le règne du feu

Kezako ?

Le 15 avril 2019, un violent incendie se déclare dans la cathédrale Notre-Dame de Paris. Des femmes et des hommes vont tout faire pour sauver l’édifice.

La critique d’Eugénie – 6/10

Si Hollywood nous a habitués à sortir un film catastrophe dans la décennie suivant un drame, la tendance a toujours été moindre en France, l’hexagone lui préférant les documentaires. C’est pourtant avec un format hybride que Jean-Jacques Annaud s’attaque à l’incendie de Notre-Dame, qui a l’avantage de pouvoir porter des images spectaculaires sans la complexité éthique d’un Charlie Hebdo ou d’un 13 novembre.

Mais outre que, comme pour chaque fait réel porté sur grand-écran, on connaît déjà la fin, le réalisateur a du mal à placer son curseur entre le documentaire et la fiction, ne sachant pas comment nous signifier ce qui est romancé ou pas ; ce qu’avait très bien su faire la mini-série Chernobyl pour le contre-exemple.
Ainsi, l’approche « réaliste » tient à nous montrer le nombre d’intervenants sur la scène, multipliant les points de vue et nous empêchant de créer un lien emphatique avec l’un ou quelques-uns des pompiers, ou même de nous repérer dans l’action. Du fait de leur nombre, la caractérisation des personnages est nécessairement sommaire et le jeu des acteurs minimalistes, sans génie, mais sans trop de catastrophes, mis à part Anne Hidalgo dans son propre rôle qui se révèle étonnamment mauvaise actrice pour une femme politique (mais nan, je ne suis pas cynique).

À l’inverse, le film prend le parti de ne pas nous montrer les causes de l’incendie – mais plutôt ces (trop) nombreuses possibilités – pour se concentrer sur ses conséquences.
Le déroulé des événements tel qu’il est mis en scène traduit ainsi une forme d’inéluctabilité, où la succession de petites erreurs humaines et de multiples défauts techniques rendent la propagation des flammes inévitables et le combat presque perdu d’avance. L’homme est ainsi ramené à sa propre inertie face à la puissance destructrice du feu : il se meut trop lentement, il réagit et comprend trop tardivement, il s’empêtre dans les aléas de sa propre technologie, moins fiable que l’élément naturel qu’il cherche à maîtriser. Le long-métrage se teinte ainsi régulièrement d’une ironie et d’une humilité bien sentie, comme quand les pompiers se retrouvent bloqués dans les embouteillages, coincés par des travaux, ou que le conservateur des reliques galère à rejoindre la cathédrale en transport en commun ou même à un trouver un vélib en état de rouler… alors même que Notre-Dame se consume.

Le côté spectaculaire, presque hypnotique est indéniablement la plus grande force du film, surtout quand Jean-Jacques Annaud vient filmer le feu. L’élément qui nous est le plus étranger à nous êtres-humains qui ne pouvant ni le toucher, contrairement à l’eau ou la terre, ou l’éprouver, comme le vent, sans nous brûler. Le réalisateur vient réveiller dans les yeux du spectateur cette même fascination, presque morbide, qui nous fait regarder longuement les flammes danser dans une cheminée. Outre la prouesse technique, le réalisateur délivre son lot de plans impressionnants et surréalistes, comme ceux du plomb fondu s’écoulant des bouches des gargouilles dans une vision cauchemardesque évoquant l’acte final du Bossu de Notre-Dame de Disney, ou alors l’effondrement de la flèche vu de l’intérieur de la cathédrale et son impressionnante onde de choc.

La beauté de ces images de pure destruction est malheureusement contrastée par la lourdeur du traitement symbolique, qui délaisse trop souvent la solennité pour tomber dans le pathos. Pourtant, avec plus de 7 milliards de croyants dans le monde, c’est autant de gens qui pouvaient comprendre le rapport au sacré, qu’il s’agisse de celui pour un lieu de culte ou des reliques, sans compter leur valeur historique. Était-ce dès lors bien utile de tomber dans les bondieuseries catholiques au détriment de l’universalité ? Pas sûre. 


Réalisé par Jean-Jacques Annaud
Avec Samuel Labarthe, Jean-Paul Bordes, Maximilien Seweryn, etc.
France, Italie – Drame, Docu-fiction
Sortie en salle : 16 mars 2022
Durée : 1h 50min


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